ACPJ | Rencontre à Villiers-le-Bel : « Que puis-je faire de plus ? »
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Rencontre à Villiers-le-Bel : « Que puis-je faire de plus ? »

Rencontre à Villiers-le-Bel : « Que puis-je faire de plus ? »

Que pouvais-je faire de plus ?

Il y a quelques semaines, faisant défiler mon fil d’actualité Twitter comme à mon habitude, je jonglais entre d’une part des vidéos de violences policières, dénonciations de racisme systémique, bavures, impunité supposée, et d’autre part une tentative de réponse et de défense de la part de mes collègues, dans un brouhaha inaudible qui laisse épuisé et sans réponse, aucun « camp » n’acceptant la position de l’autre.

Malgré tout, au milieu de ce champ de bataille numérique, quelques voix s’élèvent, s’interrogent, cherchent à comprendre l’autre, à expliquer.

Je suis policier depuis environ trois ans, affecté en proche banlieue. Entré dans la boîte avec la volonté d’être utile, d’apporter quelque chose à la société dans laquelle je vis. Je travaille avec des gens engagés, passionnés, parfois usés.

Si la critique, bien que difficile, est nécessaire pour s’améliorer, je me retrouve en tant que policier confronté à des arguments qui me montrent que mon métier est méconnu, mes missions incomprises, alors qu’elles sont réalisées avec un énorme engagement.

Que pouvais-je faire de plus ?

C’est encore une fois Twitter qui est à l’origine de ma démarche. Je regardais d’un œil lointain la création de l’ACPJ, citoyens, policiers et membres du monde judiciaire qui souhaitent dialoguer. L’idée m’intéresse. L’idée me plaît. Je me pose des questions. Aurai-je le temps, suis-je légitime, est-ce vraiment apolitique, quid du devoir de réserve… ?

Finalement, après un énième débat avec des amis durant lequel je me rends compte une fois de plus qu’il faut expliquer notre métier, je me décide et prends contact. Quelques échanges de présentation avec Christophe Korell, le président, qui très rapidement m’indique que l’ACPJ sera présente à un événement organisé quelques jours plus tard, le 7 juillet, par une association à Villiers-le-Bel (Val-d’Oise), et que ce serait au final le meilleur moyen de me faire mon avis.

On m’explique qu’il s’agira de discuter avec des acteurs associatifs autour du rapport police/population, à partir d’un court métrage réalisé à cette fin : Contrôle, que l’on peut visionner ici. Premier soulagement : il est plutôt bien réalisé, ni à charge ni à décharge, et présente en effet de nombreux points permettant d’alimenter un débat.

Le fameux jour arrive. Je me rends donc à Villiers-le-Bel comme à un premier jour d’école. Je repère le local des associations, où s’activent les bénévoles, et retrouve les collègues venus participer à la rencontre. L’ambiance est détendue, il fait beau, on envisage même de faire l’échange dehors, au pied de l’immeuble.

Nous prenons finalement place dans le local, assis en rond en tentant de respecter les gestes barrières. Un tour de table est organisé pour se présenter et je découvre alors la richesse des intervenant.e.s : habitants de quartier, associatifs, étudiant, éducateur, chercheur, journaliste, ex-détenu, magistrat, policiers d’ici ou d’ailleurs et de tous grades.

Le visionnage de Contrôle permet de lancer la conversation immédiatement après. Les règles sont posées dès le départ : il ne s’agit pas d’un débat mais de réflexions partagées ; la parole se demande, la parole se respecte, et surtout la parole est libre. Céline Evita, notre hôte, dirige avec bienveillance la conversation. Celle-ci est riche, quels que soient les intervenants, et pleine de surprises. On échange sur la stigmatisation, la perception de l’autre, on cherche à se comprendre, à réfléchir sur les causes de l’éloignement police/population, mais aussi sur les moyens pour parvenir à un rapprochement.

La présence de Madame le Commissaire de la circonscription apporte également une voix un peu plus officielle, en développant les moyens mis en place pour recréer du lien, prémices d’une police de proximité grâce aux moyens déployés dans les QRR (quartiers de reconquête républicaine). Cette intervention relance le débat sur la police au contact de la population, et en même temps sur la stigmatisation de ce genre d’appellation. De nombreux autres sujets sont abordés : les contrôles d’identité, la jeunesse des effectifs, le turn-over, le manque de moyens, mais aussi les politiques de la ville, le travail, l’éducation, l’insertion… La justice est cependant quasi absente de la discussion, jusqu’à la prise de parole du magistrat présent, qui souligne, à juste titre, à quel point cette absence est parlante et justifie dès lors qu’on s’y attache.

À l’issue de cet échange, un buffet est organisé et permet de poursuivre la discussion. Une fois de plus, je suis agréablement surpris, car naturellement de petits groupes hétérogènes se forment, et l’intérêt pour échanger et apprendre à se connaître est sincère. Les échanges sont passionnants et seule la montre indiquant qu’il est bientôt minuit nous pousse à nous quitter.

Un dernier échange a lieu sur le parking avec V., cette collègue qui comme moi participait pour la première fois, et Christophe Korell, rodé à l’exercice, pour débriefer à chaud. Nous sommes conquis et nous nous donnons rendez-vous au prochain atelier, avec la certitude que le dialogue est nécessaire.

Ce n’était qu’une soirée avec une vingtaine de personnes de bonne volonté, peut-être peu de chose en ce qui concerne le rapprochement population, police, justice, mais comme le dit le proverbe : « La plus haute montagne ne résiste pas au pas du marcheur lent. »

Antoine, gardien de la paix



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