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Police/population : rebâtir la confiance en partant du terrain

Police/population : rebâtir la confiance en partant du terrain

Cette tribune est parue dans Le Monde du 4 juin 2020. Retrouvez-la ici.

À l’heure où soignants, pompiers, caissières et autres professionnels indispensables ont été encouragés et soutenus comme partie intégrante du « premier rempart contre la pandémie » au cours de la crise sanitaire, les policiers, pourtant eux aussi aux avant-postes, n’ont, une nouvelle fois, été mis en lumière qu’à travers le seul angle du contrôle et de la répression, dans une gestion essentiellement sécuritaire du respect du confinement.

S’il ne nous appartient pas de porter un jugement sur la gestion de cette crise sanitaire, il est un fait : ce confinement n’aura fait que renforcer les inégalités qui persistent dans notre pays. Plus spécifiquement, l’application de nouvelles directives, parfois incomprises voire contradictoires, aura contribué à creuser encore le fossé entre les policiers et une partie de la population, de la jeunesse en particulier. Aujourd’hui, la police n’est vue et n’est surtout montrée quasiment que dans l’exercice de sa mission de répression. Alors même qu’elle ne peut fonctionner efficacement qu’en s’appuyant sur deux piliers, celui de la prévention semble totalement oublié, ou à tout le moins invisible. La population est la première à en subir les conséquences, mais la fonction de policier souffre aussi de cette situation et devient parfois, voire souvent, incomprise.

Devons-nous nous contenter d’une « cote de confiance », imprécise, en ignorant celles et ceux qui n’ont plus confiance en la police ? Selon un sondage IFOP publié le 30 janvier, 43 % des Français éprouvent spontanément un sentiment de confiance envers la police (contre 50 % en août 2019), et 17 % un sentiment de sympathie (contre 20 % en août 2019), tandis que 20 % éprouvent de l’inquiétude et 10 % de l’hostilité. Certes, tout le monde ne déteste pas la police. Mais il est un peu trop facile de se dire qu’après tout on ne compterait, dans cette part exprimant une opinion défavorable, que des prises de position politiques extrémistes, ou bien des personnes qui, parce qu’elles enfreignent les lois, seraient par nature hostiles à la police.

Il ne s’agit pas de tomber dans le manichéisme en prétendant que tout se résume à une opposition entre délinquants et policiers. En République, il ne peut y avoir de « camp ». Il s’agit, ici, bel et bien du rapport qu’entretient la population avec ses institutions. La confiance s’érode chaque jour un peu plus, c’est un constat. Cette relation se distend, et l’usage des réseaux sociaux à des fins de polémique y contribue. Parfois, les dissensions sont amplifiées par des attitudes policières qui n’ont évidemment pas lieu d’être, il ne faut pas s’en cacher. Mais elles le sont également par la désinformation de ceux qui ne font toujours que souffler sur les braises. Les réseaux sociaux, comme parfois l’information en continu, sont un vecteur de communication appréciable, mais ils font bien trop souvent appel à l’émotion, plutôt qu’à la raison et à la réflexion. Chacun accueille l’information au prisme de sa sensibilité.

Il n’est aujourd’hui plus temps de débattre de la question de savoir à qui incombe la faute de ces tristes réalités. À l’heure où s’ébauchent des perspectives pour un nécessaire « monde d’après », nous nous devons collectivement l’exigence de sortir du déni des problèmes pour chercher des solutions communes. Il nous semble indispensable de créer enfin les conditions d’un dialogue exigeant mais apaisé. Le pouvoir politique doit être capable de s’emparer pour de bon de ces questions. Et les institutions policières et judiciaires doivent être capables d’évoluer en prenant en compte les avis des citoyens éclairés. Répétons-le : une population qui n’a pas confiance en sa police et en sa justice est une population qui n’ose pas faire appel à elles lorsqu’elle est en difficulté ; un État qui n’envisage sa police que sous son caractère répressif est un État qui se dérobe à ses responsabilités de protection.

Il est absolument nécessaire que des initiatives courageuses et fortes voient le jour pour créer ces liens qui, en partant du terrain, rebâtiront la confiance. Que chacun prenne ses responsabilités : l’ensemble des acteurs de la police et de la justice se doit d’encourager ces initiatives de terrain qui permettent de construire des ponts plutôt que des murs. Des associations tentent déjà d’apporter leur contribution : elles doivent être soutenues dans leurs démarches. Ce dialogue, dans lequel doivent s’inscrire officiellement notamment les chefs de la sécurité publique, ne doit plus être soumis à la bonne volonté ponctuelle d’un responsable local, mais être pérennisé en devenant institutionnel. Les idées ne manquent pas : débats ouverts à tous, rencontres culturelles ou sportives – qui, au-delà du simple match de foot, doivent être considérées comme vecteur d’échange sous une bannière commune – sont autant de possibilités qui permettent d’installer les conditions d’une rencontre dans un cadre libre.

Enfin, nous appelons les policiers, les gendarmes, les personnels de justice ainsi que les citoyens qui ont soif de dialogue et d’échange, qui ont cette envie de comprendre et de participer au débat autour de leurs institutions, qui ont cette volonté d’améliorer les choses, à rejoindre ces initiatives. Chacun peut être utile ici ou là, lors d’un débat, d’un défi sportif ou d’un projet plus important. Dialoguer avec l’autre est la garantie d’un enrichissement mutuel. Il y a là un chemin pour avancer, pour le bien de tous. Que chacun sorte de ses préjugés, de ses postures de principe, et tende la main à l’autre. L’ignorance, l’incompréhension et la peur éloignent, le dialogue rapproche. C’est le coronavirus qui tue, pas la fraternité.

Christophe Korell, président
Isabelle Fernandez et Sandra Pizzo, vice-présidentes



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