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Au-delà de la haine

Au-delà de la haine

Un policier investi au sein de l’ACPJ a lu pour nous La Haine dans les yeux de David Le Bars et nous livre son ressenti.

Derrière un titre accrocheur et une photo de couverture emblématique, l’ouvrage de David Le Bars constitue une contribution utile pour qui souhaite appréhender les problématiques de la police nationale aujourd’hui et le contexte dans lequel elle évolue. Secrétaire général du SCPN (Syndicat des commissaires de la police nationale, majoritaire au sein du corps de conception et de direction), l’auteur est commissaire divisionnaire et ancien chef notamment du district de sécurité publique de Saint-Denis (93). Il s’appuie sur son expérience professionnelle pour décrire une forme de haine croissante à l’encontre des policiers depuis son entrée dans l’institution au début des années 1990.

Son parcours l’amène à constater que cette détestation n’est pas, contrairement à certaines idées reçues, l’apanage de populations résidant dans les quartiers sensibles des banlieues, les plus favorisés pouvant également faire preuve d’un mépris pour les fonctionnaires de police qui constitue une forme de violence sociale. Multipliant les illustrations, David Le Bars constate pour autant l’existence d’une forme d’« insertion sociale par la haine » de la police dans des territoires gangrenés par une économie souterraine à caractère mafieux. Il relève que certains responsables politiques s’inscrivent désormais dans la même logique sans forcément mesurer la réalité du travail de la police.

Postulant que l’« opinion publique peut se conquérir », le propos ne verse cependant pas dans un plaidoyer pro domo puisqu’il témoigne d’un certain recul critique sur l’action du ministère de l’Intérieur. Revenant sur le message qu’il martèle lors de ses interventions médiatiques, l’auteur rappelle que le terme de « violences policières » n’a guère de sens, l’important étant de déterminer si ces violences sont légitimes ou illégitimes. Le problème des effectifs à qui l’administration a confié des missions de maintien de l’ordre sans qu’ils soient ni formés ni équipés pour cela n’est pas éludé.

Rappelant que c’est sa volonté d’agir contre l’injustice qui, à l’instar de nombreux policiers, l’a amené à choisir cette profession, le commissaire Le Bars regrette, en observateur avisé, le poids pris à l’intérieur de la police par les enjeux de carrière et les ego au détriment de l’empathie dont doivent faire preuve les chefs et du travail d’équipe. Il propose une galerie de portraits qui permet de mesurer l’attachement aux valeurs du service public des agents présentés comme la mixité sociale et culturelle de l’institution policière. On regrettera toutefois que ses interrogations sur les maux dont souffre la police nationale et la vague de suicides qui l’affecte demeurent relativement convenues.

Notant que c’est bien souvent le sentiment des citoyens que la police est impuissante à répondre à leurs problèmes qui nourrit la défiance, le livre s’interroge sur les moyens de réinventer une police de paix publique efficace. Il plaide pour une meilleure connaissance mutuelle des policiers et des magistrats, notamment du siège, mais se questionne également sur la part de responsabilité de la haute hiérarchie policière. Plusieurs des pistes de réorganisation interne de la police qui sont évoquées font écho aux travaux de préparation du livre blanc du ministère de l’Intérieur. Ainsi, la mise en place d’une direction de l’investigation qui regrouperait les enquêteurs ou la création d’un chef unique de la police à l’échelon zonal et départemental ont des chances de voir le jour. On peut être plus dubitatif sur les suites qui seront données à d’autres réflexions pourtant lucides sur les doublons avec la gendarmerie nationale et l’intérêt de converger à terme vers une force unique de sécurité intérieure.

On relèvera par ailleurs que l’auteur aurait pu gagner à intégrer à sa réflexion la question de la haine réciproque qui peut se développer entre jeunes et policiers dans certains quartiers, le schéma d’opposition entre bandes rivales qui décrirait l’interaction entre eux étant parfois alimenté des deux côtés. Mais si l’on peut craindre, au début du livre, une logique binaire qui accumulerait les exemples spectaculaires et frappants de haine à l’encontre des forces de l’ordre pour mieux magnifier ces dernières, l’approche générale de La Haine dans les yeux se révèle plus nuancée. Il s’agit aussi, à travers le rappel des motivations qui poussent à passer un concours de la police, de tenter de retrouver un sens à ses missions.



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